
LES AMIS DE L’HISTOIRE DE SAINTE-GENEVIÈVE-DES-BOIS
" CLIN D'OEIL "
Découvrez dans cette nouvelle rubrique mensuelle un fait divers, une anecdote ou un personnage lié à Sainte-Geneviève-des-Bois ou ses environs.

OCTOBRE 2025
Le bouilleur de cru*
Sainte-Geneviève des-Bois et les communes environnantes comportaient jadis de nombreux vergers et même des vignes. Le surplus de fruits n’était pas perdu mais confié après fermentation à un bouilleur ambulant* pour produire de l’alcool.
Le bouilleur ambulant se déplaçait de village en village et installait son alambic près d’un point d’eau. Comment fonctionnait cet alambic ? Celui-ci était constitué d’un foyer alimenté par un feu de bois pour chauffer une cuve où se trouvaient les fruits à distiller, et les vapeurs produites par cette cuisson, rapidement rafraîchies avec de l’eau froide, se transformaient en alcool, ou eau de vie, qui s’écoulait ensuite dans un récipient. Toute cette installation était le plus souvent en cuivre. A sa sortie de l’alambic, l’alcool titrait environ 90 °, pour diminuer progressivement au fur et à mesure de la production. Cette dernière était arrêtée lorsque l’alcool atteignait 52 °, qui une fois refroidi tombait à 50 °.
Jusque dans les années 1955-1960, Mr Souchard, qui habitait à Longpont-sur-Orge dans l’ancienne vacherie du domaine de l’Ormoy (située à l’emplacement du moulin de Grouteau), exerçait ses talents de bouilleur ambulant en installant son alambic au centre de Villiers ou, avant l’installation de l’eau courante, sur les bords de l’Orge. Il distillait les fruits apportés par les maraîchers alentour, mais allait aussi chez les particuliers, notamment à Sainte-Geneviève-des-Bois, chercher leurs surplus de quetsches,

Un bouilleur ambulant
poires, etc. d’abord placés à fermenter en fûts, et leur rapportait l’alcool produit.
Les clients dont les fruits étaient distillés récupéraient au maximum 20 litres d’eau de vie à 50 °, sachant que l’on ne pouvait pas légalement dépasser 1000 ° d’alcool pour bénéficier du privilège* du bouilleur de cru. Celui-ci permettait de ne pas payer de taxe sur les 1000 premiers degrés, soit 10 litres d’alcool pur, ou 20 litres à 50°. Un passe-debout ou congé (bon de transport) devait tout d’abord être obtenu auprès du service des impôts à Montlhéry. L’activité des bouilleurs était très surveillée par la gendarmerie.
Le privilège de bouilleur de cru remonte à Napoléon mais est en voie de disparition progressive depuis 1960. En effet, depuis cette date, ce privilège n’est plus transmissible et ses détenteurs s’éteignent petit à petit. On peut toujours actuellement faire distiller ses fruits, mais si on ne dispose plus de ce privilège, on devrait normalement payer des taxes dès le premier litre d’alcool pur produit. La législation a toutefois évolué à ce sujet et instaure actuellement de nouvelles exonérations de taxes.
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* Bouilleur de cru : Il a le droit de distiller ou faire distiller les fruits récoltés sur sa propriété. Il ne doit pas être confondu avec le bouilleur ambulant. Dans cette expression, cru correspond au participe passé du verbe croître, et signifie ce qui croît, ce qui a crû dans un terroir et lui est propre.
* Bouilleur ambulant : Il distille les fruits du bouilleur de cru avec son alambic. Le Bouilleur de Cru est donc le client du Bouilleur Ambulant.
* Privilège du bouilleur de cru : Exonération des taxes pour la distillation de 10 litres d'alcool pur ou pour 20 litres d'alcool à 50°. Napoléon accorda ce privilège à ses grognards en compensation de leurs conditions de vie en campagne et des retards de paiement de leur solde.
Sources :
- Souvenirs de Jacques Penichost et Jean-Pierre Lamotte, membres de l'association "Les Amis de l'Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois et ses environs"
- https://www.herodote.net/30_aout_1960-evenement
- https://www.lechasseurfrancais.com/ruralite/bouilleurs-de-cru-gardiens-dune-tradition-ancestrale
- https://www.alambicencuivre.com/bouilleur-de-cru
- https://bouilleurs-ambulants.fr
- https://jhm.fr/bouilleurs-de-cru-la-legislation-tant-esperee-est-arrivee
- Dictionnaire de l’académie française en ligne : https://www.dictionnaire-academie.fr
- Carte postale : collection privée​
SEPTEMBRE 2025
Quand l’Eglise et l’Etat se séparaient à Sainte-Geneviève-des-Bois
Votée le 9 décembre 1905, la loi concernant la séparation des églises et de l’état met fin à plusieurs années de débats souvent passionnés entre anti cléricaux (les « laïcards ») et opposants à la loi. Cette dernière impose 2 grands principes, la liberté de culte et la laïcité de l’état.
Cette loi concerne à l’époque principalement l’Eglise catholique, alors très majoritaire en France. Son patrimoine religieux devient propriété de l’état, qui en fait alors établir l’inventaire, dans des conditions parfois houleuses, avant d’en donner concession à des associations cultuelles.
La paroisse de Sainte-Geneviève-des-Bois ne fait pas exception à cette règle, et le 13 mars 1906 à 9 heures du matin, le Sieur Duperelle, percepteur, mandaté par la Direction Générale des Domaines (chargée de la mise sous séquestre des biens ecclésiastiques), fait dresser « l’inventaire descriptif et estimatif des biens dépendant de la fabrique paroissiale* de Sainte-Geneviève-des-Bois » (le conseil de fabrique gérait les biens de l’église dans la commune), en présence de Messieurs Blavet, Maire, Lefèvre, desservant [de l’église Sainte Geneviève] curé de Saint-Michel-sur-Orge, Raimbault, garde-champêtre, et Clément (dont on ignore la fonction).

Cet inventaire exhaustif dresse d’abord la liste des biens de la fabrique paroissiale se trouvant dans la sacristie et dans l’église. Elle comprend les différents vêtements liturgiques, les ornements de la sacristie et de l’autel, les objets liturgiques, les meubles, les bannières et croix servant aux processions, les tableaux, les statues diverses, les chandeliers, une croix, un reliquaire et un harmonium. Une estimation du prix est faite pour chacun de ces biens, sauf pour l’harmonium, « hors d’usage ». Par exemple, les statues de Sainte Madeleine et de Sainte Geneviève (17e siècle) provenant de l’ancienne église détruite et classées au titre des Monuments Historiques en 1912, sont estimées chacune à 10 francs (soit une cinquantaine d’euros selon le convertisseur INSEE), comme la plupart des autres statues de l’église. On ne connait pas les critères régissant ces estimations, mais ils ne sont apparemment ni artistiques, ni historiques !
Vient ensuite la liste des « immeubles par destination » (c’est-à-dire des biens que l’on peut déplacer sans atteinte à l’intégrité de la construction, contrairement aux immeubles par nature, comme l’église, qui sont fixes) : une chaire, le maître autel et 2 petits autels en pierre, un confessionnal, une cloche, un chemin de croix en plâtre et un tapis.
Il est à noter que la dalle funéraire (18e siècle) et les deux stèles commémoratives (17e et 18e siècles) inscrites en 1975 au titre des Monuments historiques et actuellement fixées aux murs de l’église ne sont pas mentionnées dans cet inventaire pourtant très exhaustif. On sait qu’elles se trouvaient précédemment dans l’ancienne église grâce à un ouvrage du 19e siècle les décrivant en détail, « attachées à la paroi méridionale du chœur ». N’avaient-elles pas encore été installées dans la nouvelle église lors de l’état des lieux ? Et dans ce cas où se trouvaient-elles en 1905? Ou avaient-elles un statut particulier les excluant de cet état des lieux? Elles sont pourtant bien propriétés de la commune dans leurs notices des Monuments Historiques.

Eglise Sainte Geneviève
L’inventaire mentionne également 3 rentes de 55, 75 et 213 francs possédées par la fabrique paroissiale pour l’organisation de services religieux. Elles seront quelques années plus tard réunies en une seule rente attribuée par le Préfet au bureau de bienfaisance de la commune. L’inventaire signale par ailleurs l’absence de « mense curiale » (biens destinés à l’entretien du curé) ainsi que l’absence de dettes.
Enfin, est citée comme « bien de l’état, des départements et des communes, dont la fabrique de l’église n’a que la jouissance », l’église elle-même « construite en 1875, par souscription des paroissiens avec participation de la commune ». L’église Sainte Geneviève est alors le seul édifice religieux de ce qui n’est qu’un village d’environ 700 habitants.
L’auteur du document précise que l’inventaire s’est effectué sans incident (contrairement à ce qui s’est passé dans de nombreuses villes et villages) mais que le desservant a lu une protestation jointe à l’inventaire en se prêtant toutefois aux opérations de catalogue et d’évaluation.
De plus l’Abbé Lefèvre et Julien Lamoureux, trésorier de la fabrique, requis de déclarer qu’à leur connaissance il n’existait pas d’autres biens susceptibles d’être inventoriés que ceux mentionnés dans le procès-verbal, refusent de faire cette déclaration et de signer l’inventaire, signé seulement par le percepteur, le maire, le garde-champêtre et le dénommé Clément.
Un an plus tard, un procès-verbal de concession de jouissance de l’église est établi entre Mr Blavet, maire de Sainte-Geneviève-des-Bois et l’Abbé Lefèvre, curé.
L’Eglise recouvre donc la disposition de ses biens mais ils ne lui appartiennent plus.
Les édifices religieux de la commune construits postérieurement à la loi de 1905, ne sont pas concernés par cette loi et sont des biens privés.
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* Fabrique paroissiale : ce terme désigne à la fois tout ce qui appartient à l'église paroissiale, objets (argenterie, ornements, etc.) mais aussi fonds et revenus comme ceux de la quête, et l'assemblée de paroissiens chargés d'administrer ces biens, appelée le conseil de fabrique.
Sources :
- Archives Départementales de l’Essonne en ligne : 8V Séparation des églises et de l’état (1903-1955) / Biens des fabriques et des menses, séquestres et protestations / 8V/6 / Lot 12/53 Sainte-Geneviève-des-Bois https://archives.essonne.fr/ark:/28047/m5379wg82fbv/30143f39-495d-4c61-9ab6-d70e84f8571f
- La séparation de l’église et de l’état : BnF : les essentiels https://essentiels.bnf.fr/fr/societe/concevoir-les-societes/f35e776d-45ce-49c1-bd5f-484568fb922c-laicite/article/3aa83514-fc77-45a1-b637-3a05f918822a-separation-leglise-et-letat
- L'essentiel de la loi du 9 décembre 1905 de séparation des Églises et de l'État ; Vie publique au cœur du débat public : https://www.vie-publique.fr/fiches/271400-la-loi-du-9-decembre-1905-de-separation-des-eglises-et-de-letat
- Inscriptions de la France du Ve siècle au XVIIIe : ancien diocèse de Paris. Tome 4,Série 3 / recueillies et publié par M. F. de Guilhermy, puis par R. de Lasteyrie, 1873-1883. Pages 127-132.
- La résistance aux inventaires des églises ; Revue Française de Généalogie n°278. Pages 47-49.
- Carte postale ancienne : BnF/ Les essentiels https://essentiels.bnf.fr/fr/image/e9c129ae-6fed-4f06-b4a0-5757aa2f8e10-separation-eglises-et-letat
AOUT 2025
Un beau cahier pour la rentrée
Dans les années 1950, l’achat des fournitures pour la rentrée des classes ne s’effectuait pas dans les hypermarchés qui n’existaient pas encore, mais en librairie.
A Sainte-Geneviève-des-Bois, une des rares librairies vendant des fournitures scolaires à cette époque était la librairie des Ecoles tenue par Mr et Mme Tachoires, située au 77 de la rue Gabriel Péri (actuellement Maison de la Presse).

Cette librairie vendait notamment des cahiers que le couple Tachoires avait fait personnaliser avec l’emblème de la commune sur la couverture.

Au dos du cahier se trouvait les coordonnées de la librairie (notez le numéro de téléphone à 2 chiffres, datant d’une époque où les centraux téléphoniques étaient manuels et les postes peu nombreux).

Les petits Génovéfains avaient ainsi le privilège d’utiliser des cahiers n’existant nulle part ailleurs. On était alors bien loin des cahiers couverts de superhéros américains ou de personnages des derniers dessins animés, disponibles partout en France !
Sources :
- Souvenirs de Jean-Pierre Lamotte, membre de l'association "Les Amis de l'Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois et ses environs"
- Cahier : don de Mr Christophe Defazio
- Carte postale ancienne : collection privée​
JUILLET 2025
Les lavoirs
Avant la dernière guerre mondiale et bien souvent après, les villages en France ne disposaient pas de réseaux d’eau courante et c’est pour cela qu’il existait des lavoirs dans les communes, alimentés par des cours d’eau ou des sources.
Dans le secteur couvrant Longpont, Villiers et le hameau du Perray à Sainte-Geneviève-des-Bois, trois de ces lavoirs étaient situés sur le cours de l’Orge, malheureusement disparus du fait de travaux et de modifications sur le parcours de cette rivière.



Un était situé sur la propriété de Monsieur Cossonnet en bordure du hameau du Vieux Perray, le deuxième à Villiers à la limite de Sainte-Geneviève-des-Bois et le troisième dans la propriété de Vaucluse non loin du pont menant à Villiers.
Ces lavoirs étaient des constructions couvertes et fermées sur trois côtés, ouvertes sur le quatrième qui donnait accès sur le cours d’eau, avec en bordure une margelle permettant aux lavandières, à genoux dans un coffret conçu pour cet usage, garni de paille pour plus de confort, de taper le linge à l’aide d’un battoir, de le rincer dans l’eau fraîche et de l’essorer en le tordant à la main.
Ces abris étaient équipés de poêles, ce qui permettait de faire bouillir le linge disposé dans une lessiveuse accompagné de cristaux de soude (la lessive de l’époque).

En plus des conditions de lavage très pénibles, il fallait que ces lavandières, habitantes des communes alentour, descendent dans la vallée tout le matériel de lavage dans une brouette, pour remonter le tout à la fin de la journée. La lessive incombait alors uniquement aux femmes en plus de leurs autres tâches ménagères, et l’arrivée des lave-linges a été plus que bienvenue.
Dans ce secteur, les lavoirs qui n’étaient pas sur le cours de l’Orge se situaient dans les villages, alimentés par des sources ou des ruisseaux. La construction pour certains était la même que pour ceux des bords de l’Orge, mais avec un bassin central entouré d’une margelle. Il y en avait un à Longpont rue du Docteur Darier, restauré et visitable, et l’autre à Sainte-Geneviève-des-Bois rue du Vieux Perray récemment restauré et visible de la rue.

Lavoir rue du Docteur Darier à Longpont-sur-Orge

Lavoir rue du Vieux Perray à Sainte-Geneviève-des-Bois
Deux autres maintenant disparus étaient installés en plein air, simples bassins entourés d’une margelle, l’un dans la ruelle des Rios et l’autre dans le bas de la rue de l’Orge à Villiers-sur-Orge.
Sources :
Souvenirs de Jacques Penichost, membre des associations "Les Amis de l'Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois et ses environs" et "Les Amis de Vaucluse"
Cartes postales anciennes : collections privées​
JUIN 2025
Les baignades de l’Orge
Autrefois l’Orge n’était pas polluée et on y pratiquait la pêche et la baignade. Son cours était plus sinueux qu’actuellement et sa profondeur était irrégulière. A certains endroits, on n’avait pas pied, ce qui était favorable aux baignades* dans les beaux jours d’été et particulièrement pendant l’occupation allemande, les déplacements et les loisirs étant limités.
A cette époque, les baignades étaient nombreuses sur le parcours de la rivière.
Dans notre secteur se situait celle de Longpont, le long du chemin des osiers, non loin du pont vers Sainte-Geneviève. Quelques centaines de mètres plus loin il y avait une passerelle joignant les deux rives, suivie de la baignade de Sainte Geneviève, juste à l’endroit où se jette le Mort-Rû, ruisseau venant de Marcoussis.

Celle-ci était la plus fréquentée avec comme plage le pré occupé quelques fois par les vaches de la ferme Leriche située dans la rue du Vieux Perray. Il faisait bon s’allonger sur l’herbe et se rafraichir dans la rivière !

La baignade de Villiers était située peu après le pont de Sainte Geneviève et au-delà du lavoir sous les grands arbres qui bordaient la rivière.
C’était une distraction pendant l’été dans cette période difficile, et qui a malgré tout perduré jusqu’à ce que la pollution de l’eau menace la santé des baigneurs.
* Baignade : désigne non seulement l’action de se baigner, mais aussi l’ endroit d'un cours d'eau, d'un lac où l'on peut se baigner. ​
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Sources :
Souvenirs de Jacques Penichost, membre des associations "Les Amis de l'Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois et ses environs" et "Les Amis de Vaucluse"
Cartes postales anciennes : collection privée​
MAI 2025
​Histoire de l’Orge
Modeste affluent de la Seine, l’Orge prend sa source à 125 mètres d’altitude à Saint Martin de Bréthencourt dans le département des Yvelines, à la limite de celui de l’Essonne, et parcourt 54 km avant de former 2 bras se jetant dans la Seine à deux endroits différents, Athis-Mons et Viry-Châtillon, 40 mètres au-dessus du niveau de la mer.
Ses affluents sont sur la rive gauche la Remarde, la Salmouille, le Mort-Ru et l’Yvette, sur la rive droite la Renarde, le Blutin et le Rû de Fleury.
Les principales villes qu’elle traverse sont Dourdan, Arpajon, Brétigny-sur-Orge, Sainte-Geneviève-des-Bois, Epinay-sur-Orge, Savigny-sur-Orge, Viry-Châtillon, Juvisy-sur-Orge et Athis-Mons.
A l’origine, cette rivière avait la particularité de s’écouler dans la vallée peu encaissée entre Brétigny et Epinay en se répandant sur une grande étendue, formant une surface marécageuse sillonnée par une multitude de filets d’eau, surnommés dans notre région « boëles* », épurant ainsi ce marécage en direction d’une vallée plus profonde, où la rivière reprenait son cours normal.
Cette zone marécageuse était infranchissable, séparant les villages situés sur la rive gauche de la forêt de Séquigny située de l’autre côté. C’est pour cette raison que, d’après certaines sources, nos ancêtres avaient mis en place au début du moyen âge un très long pont pour franchir cette vallée, qui serait à l’origine du nom de la commune de Longpont.
On peut penser que cette grande zone marécageuse a été un obstacle infranchissable lors de la bataille de Montlhéry en 1465, les combats bloqués dans le bas du coteau de Longpont et de Villiers de part et d’autre du ruisseau le Mort-Rû se déroulant ensuite vers Marcoussis et Balizy.

Au fil des siècles, cette vallée a été partiellement asséchée, d’abord à l’aide d’un canal creusé sur le bas du coteau de Longpont, Villiers et Epinay, probablement au 18ème siècle, ce qui fut favorable à l’établissement de moulins tout au long de ce canal qui reprit le nom de l’Orge.
On peut remarquer de nos jours sur la rive gauche la présence de magnifiques et vénérables platanes situés dans les propriétés de Lormoy et de la Gilquinière datant certainement de la même époque que le canal.
Le cours de l’Orge se composait alors à ce niveau de ce canal et de deux boëles aménagées.
Par la suite, dans le courant du 20ème siècle, pour pallier aux inondations encore fréquentes pendant les grandes crues, des lacs de retenue ont été créés à Brétigny et Longpont, assainissant ainsi correctement la vallée et permettant de profiter de nos jours de très longues promenades tout au long de cette rivière, sous le contrôle du Syndicat de l’Orge.
Ces travaux ont également permis de supprimer un bras de la rivière et un pont au niveau de la prairie de Vaucluse. L’appellation « Orge » est restée au canal et « Boële » au bras restant.
Voici pour finir une anecdote concernant la surface comprise entre la Boële et l’Orge. Cette surface fit l’objet d’un conflit entre Sainte-Geneviève-des-Bois et Villiers, chacun de ces villages revendiquant ce périmètre et ce n’est qu’en 1816 sous Louis XVIII que ce litige fut réglé par ordonnance en faveur de Sainte-Geneviève.
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* Boële : nom commun du vieux français, du latin « botellum » signifiant boyaux, intestins, d’où l’analogie avec l’épanchement de l’Orge en multiples filets d’eau dans la vallée. On peut constater que plusieurs de ces filets d’eau subsistent toujours entre les deux bras actuels de l’Orge.


Sources :
Les chroniques du vieux Marcoussis, Jean-Pierre Dagnot (site internet)
L’Orge aval au XIXe siècle, une rivière et des hommes, Nicolas Bellina, juillet 2013
Archives Départementales de l’Essonne en ligne : Plan cadastral de Sainte-Geneviève-des-Bois, 1811, Section A : la Fontaine
Cartes postales anciennes : collections privées
AVRIL 2025
Les moulins de l’Orge:
L’Orge était autrefois animée sur son parcours par 34 moulins dont 15 d’Arpajon à la Seine, nommés:
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Cerpied à Arpajon
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Saint Germain à Saint-Germain-lès-Arpajon
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Boiselle à Saint-Germain-lès-Arpajon
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Fourcon à Saint-Germain-lès-Arpajon
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Aulnay à Leuville-sur-Orge
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Carouge à Brétigny-sur-Orge
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Basset à Longpont-sur-Orge
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Grouteau à Longpont-sur-Orge
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Le Breuil à Sainte-Geneviève-des-Bois
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Villemoisson à Villemoisson-sur-Orge
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Joppelin à Savigny-sur-Orge
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Juvisy à Juvisy-sur-Orge
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Antin à Viry-Châtillon
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Orgeval à Athis-Mons
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Mons à Athis-Mons
Trois se situaient dans le secteur Sainte-Geneviève-Longpont :
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Le moulin de Basset désaffecté existe toujours dans le hameau de Guyperreux.
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Celui de Grouteau dans la propriété de Lormoy sur Longpont a disparu dans un incendie en 1880.
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Enfin celui du Breuil datant du 9ème siècle, a été plusieurs fois restauré, les bâtiments actuels datant de 1771. Il fut racheté par le département de la Seine, propriétaire du domaine de Vaucluse, en 1863 et a repris son activité en 1902. Il fonctionna jusqu’en 1963 et a été rétrocédé dernièrement au Syndicat de l’Orge.
Cliquer ici pour voir les moulins.

Le moulin du Breuil
Sources :
Les chroniques du vieux Marcoussis, Jean-Pierre Dagnot (site internet)
Cartes postales anciennes : collections privées
MARS 2025
Un Français libre, Raymond Trolliet
Le 7 février dernier, plusieurs membres de l’association des Amis de l’Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois et ses environs se joignaient à l’hommage rendu à Raymond Trolliet au cimetière de Liers à l’occasion de l’anniversaire de sa mort, survenue en février 2002.
Raymond Trolliet, qui fut pendant quelques années génovéfain (il habitait rue Pierre Brossolette), est né le 6 avril 1923 à Damas, en Syrie.
De nationalité française par son père, il passe toute sa jeunesse à Damas. Le 11 aout 1941, il s'engage dans les Forces Françaises Libres (FFL) et est affecté à l'état-major du général Collet, obtenant sa mutation dans les Forces Aériennes Française libres (FAFL) en février 1942. Alors qu’il n’a que 19 ans il est intégré au Groupe de Chasse 3 (GC 3) «Normandie»*, une unité des FAFL créée à Rayak au Liban. En septembre 1942 il est nommé caporal. Après un long périple, il arrive avec ses camarades à Ivanovo (à 250 km de Moscou) le 29 novembre 1942 et participe à la première campagne du groupe en qualité de mécanicien sur avion Yak (avion de chasse soviétique).
Nommé caporal-chef, Il quitte le GC « Normandie » et retourne en octobre 1943 à Rayak où il est muté au groupe de bombardement (GB) 1/17 « Picardie », une autre unité des FAFL. Il est nommé sergent en juin 1944. Démobilisé le 20 octobre 1945, Raymond Trolliet se retire à Beyrouth.

Raymond Trolliet à Beyrouth en novembre 1942 (photo publiée avec l’aimable autorisation de sa fille Françoise Trolliet)
Après la guerre, il poursuit une carrière dans l'Armée de l'Air active et de réserve, puis continue à la Direction générale de l'aviation civile (DGAC). Il décède le 12 février 2002 à Dachstein (67) et est inhumé au cimetière de Liers à Sainte-Geneviève-des-Bois.
L’engagement de Raymond Trolliet dans les FFL et auprès des soviétiques lui a valu de nombreuses médailles (Médaille de la victoire sur l’Allemagne, Ordre de la guerre patriotique, Croix de guerre 1939-45 avec une palme et une étoile, Croix du combattant volontaire de la Résistance, Médaille de la France Libre,…….). Celles-ci sont représentées sur la plaque commémorative réalisée à l’initiative de Mr Serguei Dybov, président de l’association « Mémoire Russe » , déposée sur sa tombe par ce dernier et par l’arrière-petit-fils de Raymond Trolliet lors de la cérémonie du 7 février, en présence de membres de sa famille, de représentants des anciens combattants, de la municipalité de Sainte-Geneviève-des-Bois et de services culturels russes.


Nolan, arrière-petit-fils de Raymond Trolliet installant la plaque rendant hommage à son aïeul
(photo publiée avec l’aimable autorisation de ses parents)
* Le groupe de chasse Normandie a pris part à de nombreuses batailles en Union Soviétique, notamment celle du franchissement du fleuve Niémen. Devenu régiment, il reçoit de Staline en juillet 1944, pour ses actions héroïques, le nom de Niémen, devenant ainsi "Normandie-Niémen". En juin 1945, ses pilotes sont accueillis triomphalement au Bourget dans leurs avions Yak 3 offerts par l'URSS.
Une avenue de Sainte-Geneviève-des-Bois porte le nom du régiment Normandie-Niémen.
Sources :
- Famille de Raymond Trolliet
- Serguei Dybov , président de l’association Mémoire Russe
- Martial Musy, président de l’Association des anciens légionnaires de l’Essonne
- Un français libre parmi 63338, Raymond Joseph Trolliet
- Le Groupe de Chasse n°3 "Normandie-Niémen"
- Normandie-Niémen, des chasseurs français sur le front de l'Est
FEVRIER 2025
Le mystère de la cravate jaune
Au soir du 4 septembre 1829, se présentait à Pierre Joseph Vilain de la Chapelle, adjoint au maire de Sainte-Geneviève-des-Bois, Marie Thérèse Gaulin, épouse du chirurgien François Joseph Polony, pour porter plainte au nom de son mari contre le Vicomte de Barjac*. Les Polony demeuraient alors à Brétigny mais François Joseph Polony avait longtemps vécu à Sainte-Geneviève-des-Bois.
Mme Polony déclara que la veille au soir, « Monsieur Benoist Vicomte de Barjac » (en fait le Vicomte Benoît Joseph de Barjac de Raucoule), demeurant au hameau de Liers, s’était présenté chez Mr Notta, fermier dans ce même hameau et chez qui se trouvaient également quelques personnes des environs.
Le Vicomte de Barjac avait alors demandé le Sieur Polony, prétendant avoir une lettre à lui remettre. Sur ces mots, François Joseph Polony « s’était transporté avec confiance » chez Mr de Barjac dont la maison se situait devant la ferme qu’exploitait Mr Notta (dans l’actuelle rue des fermes).
François Joseph Polony à peine entré dans une première pièce servant de cuisine, Benoît de Barjac s’était jeté sur lui, l’avait terrassé et relevé en le tenant à la gorge après l’avoir traité de brigand et de scélérat. Le sieur Polony était alors retourné chez le fermier Notta, et toutes les personnes présentes s’étaient aperçues que sa cravate était déchirée.
De plus, Auguste Bleuse*, journalier au hameau de Liers et « qui était sur la petite porte de la ferme, avait entendu la vocifération de Mr de Barjac au moment où le dit Polony était entré chez lui. »
Avant de signer sa déclaration le 4 septembre, Madame Polony avait montré à l’adjoint au Maire une cravate jaune qui avait au milieu un accroc et le certificat « dicté ce jourd’hui par Mr Kirwan, Docteur en Médecine demeurant à Arpajon ». On ne sait malheureusement rien du contenu de ce certificat, et cette plainte n’a par la suite donné lieu à aucune déclaration complémentaire auprès de l’adjoint au Maire.
La cravate déchirée brandie comme preuve de l’assaut peut prêter à sourire, mais on ne peut que s’interroger sur le déclenchement d’une telle colère, aucune explication sur les raisons de cette altercation violente ne figurant dans la plainte.
Quelques recherches complémentaires nous suggèrent une piste. En effet, un an exactement avant cette agression, le 3 septembre 1828, mourait à leur domicile du hameau de Liers la jeune épouse du Vicomte de Barjac, laissant orphelines de mère 2 fillettes de 4 et 6 ans.
On ne sait pas de quoi est décédée Mme de Barjac à 25 ans, son acte de décès ne le mentionnant pas comme c’est généralement le cas. Le registre d’état civil de Sainte-Geneviève-des-Bois ne comporte pas en 1828, et en particulier pour les mois d’août et de septembre, un nombre anormal de décès qui pourrait suggérer une épidémie, et Mme de Barjac ne semble pas non plus être morte en couches, aucun enfant mort-né ou vivant n’étant déclaré dans le registre d’état civil. Son décès aurait-il pu être imputé à une erreur de François Polony ? En cette époque où n’existait ni les antibiotiques, ni l’asepsie, ni tous les examens dont nous disposons actuellement, les décès, y compris chez les enfants et les gens jeunes, étaient courants. Mais il est à noter que le Sieur Polony, mentionné dans la plainte comme chirurgien, est dans plusieurs actes d’état civil ou notariés décrit comme un simple officier de santé, c’est-à-dire exerçant la profession médicale sans le titre de docteur en médecine, et n’ayant donc pas le droit de pratiquer certains actes. Il est cependant également cité comme chirurgien ou médecin dans d’autres documents.
Quoi qu’il en soit, on peut supposer que le premier anniversaire du décès de son épouse ravivant la douleur de Benoît de Barjac, celui-ci, s’il reprochait à tort ou à raison au « chirurgien » Polony d’avoir un lien avec la mort de sa femme, perdit la tête et donna libre cours à sa colère.
Quelques années plus tard, le Vicomte de Barjac s’installa à Lyon où il se remaria et eut un fils, laissant derrière lui ses souvenirs douloureux et sa rancœur à l’égard de François Joseph Polony.
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*Nous avons déjà rencontré Auguste Bleuse et Mr de Barjac dans les clins d’œil d’avril et mai 2024. Sainte-Geneviève-des-Bois était alors un petit village et les protagonistes ou les témoins des différents faits divers survenant dans la commune étaient souvent les mêmes.
Sources :
- Registre des procès-verbaux du conseil municipal de Sainte-Geneviève-des-Bois année 1829
- Généanet : arbre amguillot / généalogie de Barjac
- AD91 en ligne : décès Madame de Barjac et état civil François Polony​​​​​

La rue des fermes vers 1930
JANVIER 2025
Le rouissage du chanvre à Sainte-Geneviève-des-Bois
Cultivé par l’homme depuis des milliers d’années, le chanvre lui a servi à produire des vêtements et des voiles de bateau ainsi que des cordages. Pour pouvoir être utilisées, les fibres de chanvre devaient d’abord être séparées du reste de la plante grâce au rouissage, procédé consistant à immerger pendant une dizaine de jours les tiges de chanvre rassemblées en bottes, maintenues dans l’eau à l'aide de planches et de pierres. Les points d’eau utilisés pouvaient être des fosses à eau, des cours d’eau ou des mares.
Au milieu du 19ème siècle, à l’apogée de la culture du chanvre, les points d’eau servant à rouir le chanvre n’étaient pas rares, de nombreuses fermes cultivant leur chènevière (champ de chanvre) pour un usage domestique ou comme ressource d’appoint.
Le rouissage du chanvre semble avoir été répandu à Sainte-Geneviève-des-Bois, puisque le Vicomte de Bertier, alors Maire de la commune, dut prendre un arrêté à ce sujet le 14 mars 1828, suite aux nuisances engendrées par cette pratique pour le voisinage (la macération des bottes dégageait une odeur pestilentielle, pouvant occasionner maux de tête, vertiges et vomissements, et polluait l’eau):
"Vu les plaintes qui nous ont été portées sur les inconvénients dont est, pour la salubrité publique, le rouissage du chanvre dans des eaux stagnantes, et à la proximité des habitations, et les maladies, qui, notamment l’été dernier , paraissent en avoir été la suite
Arrête :
Article 1 A l’avenir les chanvres à rouir seront transportés à cet effet au bras de la rivière d’Orge qui se trouve au-delà du Perray, près la limite du territoire de cette commune, à l’endroit où il touche à celle de Villemoisson.
Article 2 Le garde champêtre veillera à ce que nul individu étranger à la commune ne vienne déposer ses chanvres dans l’endroit désigné.
Article 3 Toute contravention à l’article précédent sera punie d’après la rigueur des lois sur la police municipale.
Article 4 Le présent arrêté sera affiché aux lieux d’afficher subsistant et dans les hameaux dépendants de la commune à trois époques consécutives, la veille de Pâques, la veille de la Pentecôte et le premier dimanche du mois de juillet."
On ne rouit plus le chanvre à Sainte-Geneviève-des-Bois depuis bien longtemps, mais le souvenir de cette activité y a été conservé grâce au nom donné à deux voies de la commune dans le quartier de Liers, la rue de la Mare au Chanvre et le chemin de la mare au chanvre, qui suit une partie du tracé du chemin de la mare au chanvre au Parc Pierre mentionné sur le cadastre de 1811. La mare au chanvre du hameau de Liers est par ailleurs mentionnée dans notre clin d’œil de Mai 2024 relatant un fait-divers de 1827.
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Sources :
- Registre des procès-verbaux du conseil municipal de Sainte-Geneviève-des-Bois année 1828
- Le chanvre - Plante textile : https://www.patrimoinecognac87.ovh/0462ea6f_390e_4277_b953_191a628667d3.html
- La mare de rouissage : https://www.web-croqueur.fr/la-mare-de-rouissage-de-coeurs-un-patrimoine/
- Jarrige, François. « Quand les eaux de rouissage débordaient dans la cité. Essai sur le mode d’existence d’une nuisance en France (XVIIIe-XIXe siècle) ». Débordements industriels, édité par Michel Letté et Thomas Le Roux, Presses universitaires de Rennes, 2013, p. 137-153 https://doi.org/10.4000/books.pur.111302.
- Sabot, Thierry. L’almanach paysan, nos ancêtres ruraux au fil des saisons selon le calendrier agro-liturgique; Editions Thisa, 2024, p. 192
- Sainte-Geneviève-des-Bois et ses rues au fil du temps, édité par les Amis de l’Histoire de Sainte-Geneviève-des-Bois et ses environs, 2013, p. 113

La mare au chanvre du hameau de Liers